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Chef d’œuvre ou simple hype ?

📀 Lil Yachty - Let's Start Here (2023)

Faut-il sortir des chemins battus du rap pour marquer le public en 2023 ?

A l’écoute du surprenant Let’s Start Here, le 5ème album de Lil Yachty, et de la réaction sans demi-mesure d’une partie du public, c’est la question que l’on est amené à se poser.

Après une année 2022 extrêmement riche en sorties rap de qualité, ce début d’année 2023 semblait plus calme.


Si les projets de Skyzoo ou Oddisee ont convaincu le public underground, aucun album n’avait encore réussi à marquer la grande scène.

Peu de personnes auraient parié sur la sortie du 5ème album studio de Lil Yachty comme étant le 1er événement de l’année pour de nombreux auditeurs. En effet, l’artiste a eu ses moments de gloire, mais n’avait jusque-là jamais brillé sur de longs formats.

Révélé au grand public en 2016 avec le banger “Brocolli” en featuring avec DRAM, l’artiste tout droit sorti de la scène Soundcloud a ensuite atterri sur le label Quality Control. Aux côtés des Migos ou de Lil Baby, il rejoint une écurie habituée aux hits traps se glissant en haut des charts.

Il enchaîne ensuite les projets “Lil Boat” contenant des bangers traps efficaces mais vite redondants. Il est parfois plus souvent mentionné pour son apparition en tant que mannequin de la Yeezy Saison 3 de KanYe West que pour la qualité de sa musique.

2022 annonce un 1er tournant avec le tube “Poland”. Le single de seulement 1min23 hypnotise avec son autotune glaçant, sa topline « I took the Wock’ To Poland » surprenante et sa production de F1LTHY derrière de nombreux titres phares de Whole Lotta Red.

Poland ne devait d’ailleurs jamais voir le jour. Fruit d’une des nombreuses expérimentations de Yachty pour son nouvel album, il a accepté de l’envoyer à un hackeur qui avait eu accès à un de ses disques durs. Ce dernier leak le titre sur Soundcloud qui explose directement.


Un titre anodin, réalisé entre 2 albums, qui devient rapidement viral. Marchant directement dans les pas de Playboi Carti, cette expérimentation n’en est pas moins réussie pour l’artiste qui révèle d’ailleurs n’avoir jamais mis les pieds en Pologne. Le ton semble donné pour la suite.

C’est pourtant une tout autre direction que l’artiste prend pour son nouvel album. Empruntant des sonorités au rock psychédélique, Lil Yachty veut tout remettre à plat comme l’annonce son titre “Let’s Start Here”.

L’intro “the BLACK seminole.” donne directement le ton. Avec ses 7 minutes, l’artiste veut asseoir sa maturité “the kid is now a man” et s’identifie aux black seminoles, des esclaves noirs s’étant échappés et formant une communauté avec des indigènes.

A la première écoute, c’est surtout la production qui vient surprendre l’auditeur. Yachty laisse de côté les 808 pour de la guitare électrique, une batterie acoustique et des synthés de l’espace. Des instrus organiques très présentes qui sont d’ailleurs la force majeure de l’album.

L’artiste s’est entouré à la composition d’un crew d'artistes venant du rock indé comme Mac DeMarco et Alex G, mais aussi de producteurs du milieu : Justin Raisen (Billie EIllish, Joji), Jacob Portrait (Unknown Mortal Orchestra) ou Patrick Wimberly (Joji, MGMT, Solange).

Les productions marquent donc les grandes réussites de l’album. On retient notamment de grandes montées en puissance sur l’intro ou « IVE OFFICIALLY LOST VISION !!!! » et des mélodies catchy comme sur « The ride » ou « pRETTy ».

Du côté vocal, Yachty n’a finalement pas tant évolué sur Let’s Start Here, s’imprégnant encore de ses racines mumble rap dans sa proposition. Sa gestion des voix auto-tunées et de la reverb est très efficace par instant mais a du mal à être aussi marquante que sur « Poland ».

Au fil des réécoutes ce sont ces performances qui vont finalement pécher et donner envie de passer certains titres. Le travail de la voix de Lil Yachty magnifie certaines chansons, mais peut sembler inadapté sur des productions plus brutes.

Quelques featurings viennent compléter cet univers vocal. On retrouve notamment Diana Gordon qui vient voler la vedette sur plusieurs titres avec des apparitions puissantes, Daniel Caesar dans une outro parfaite ou encore Teezo Touchdown, Fousheé et Justine Skye.

Pour laisser pleine place aux productions, le fond de l’album passe en 2nd plan. On retrouve tout de même une interlude intitulée :(failure:( venant aborder le thème de l’échec et d’avoir le courage de tenter, comme si l’artiste avait besoin de justifier son changement de direction.

« Let’s Start Here » est en effet un virage brutal mais réussi pour Yachty. Là où de nombreux rappeurs ont échoué leur rapprochement vers le monde du rock, l’artiste maîtrise ses influences et a su s’entourer d’une équipe expérimentée, livrant un album réussi.

Une proposition risquée mais bien exécutée d’un artiste que l’on n’attendait plus et qui mérite donc d’être saluée. Ce qu’une partie du public n’a pas manqué de faire, les réseaux répandant la nouvelle et déclenchant un énorme succès d’estime en quelques heures.

Une déclaration de l’artiste a marqué les esprits lors de la release party du projet : “J’avais envie d’être pris au sérieux en tant qu’artiste, pas juste comme un rappeur soundcloud”. Laissant donc à interpréter qu’un rappeur soundcloud ne peut pas être pris au sérieux.

Une vision pessimiste mais qui s’entend. Yachty n’aurait surement pas fait autant parler avec un nouvel épisode de « Lil Boat » et ce thread n’aurait probablement pas été rédigé.

Cependant, est-ce qu’abandonner le rap et sortir la guitare était la seule manière d’être pris au sérieux ?

Non, cela laisserait penser que le hip-hop est moins crédible que le rock. Les contre-exemples sont nombreux. Denzel Curry, originellement issu de l’Internet Rap, ayant sorti un des albums les mieux produits et écrits de 2022, ne serait donc « pas sérieux » ?

Force est de constater que sa démarche trouve son public. A quelques exceptions près, les critiques sont dithyrambiques. Let’s Start Here est directement comparé à d’énormes succès récents comme Igor de Tyler, The Creator ou Awaken, My Love ! de Childish Gambino.

Des albums qui ont pour point commun d’être menés par des rappeurs mais d’aller explorer d’autres genres. Ils n’ont pourtant peu d’autres similarités. Let’s Start Here étant loin de la charge émotionnelle d’un Igor ou de la richesse lyrique d’un Awaken, My Love !

Si la prise de risque est réussie, celle-ci mérite-t-elle vraiment d’être placée aux côtés de ces références modernes ? Les longueurs du projet, les performances en dent-de-scie de Yachty et le fond un peu vide semblent parfois mis de côté au profit de la « hype » du moment.

Let’s Start Here est une bonne surprise rafraîchissante mais enfonce des portes déjà ouvertes par ses prédécesseurs. Le changement de direction de Lil Yachty mérite d’être célébré comme tel, mais son édification éclair en tant que chef-d’œuvre est surprenante.

Si l’album se veut décalé avec sa pochette intrigante et ses titres MAJUSCULES/minuscules, il reprend pourtant des codes qui marchent auprès du grand public. Comme l’indique le nom de l’album, c’est en tout cas un nouveau départ pour l’artiste qui sera désormais attendu.

Si de nombreuses directions s’ouvrent désormais à Yachty, c’est peut-être du côté de Poland qu’il devrait s’orienter. Une performance éclaire mais où ses émotions et sa voix autotunée semblaient plus justes et touchantes. Seul l’avenir nous révélera son choix.

On peut retrouver cette 1ère surprise de l’année sur vinyle. La cover représentant des businessmen aux visages brouillés a été réalisée avec une IA, et ça se voit… Celle-ci représente bien la démarche du projet et laisse place à un visuel plus charmant dans le gatefold.

Un point qui fâche sur le vinyle est son prix. De ce côté-là, Yachty ne s’est pas inspiré d’autres groupes de rocks indépendants et affiche 39,99€ pour un double vinyle noir.

S’il jouit d’un pressage très réussi et d’un gatefold appréciable, ce prix est complètement démesuré.

Ce début d’année est marqué par le retour d’Anti de Rihanna à 54€ ou Temps Mort de Booba à 60€. Les majors utilisent ces sorties attendues pour appliquer une tarification injustifiable, quand des artistes comme Myth Syzer proposent encore en 2023 des vinyles doubles à 24€.

Un paradoxe dans les tarifs entre ces sorties qui montre bien l’abus de certains majors. Alors que les prix ont plus que doublé en quelques années, il est important de dénoncer voir de boycotter ces sorties. La ligne rouge semble plus que franchie par certaines sorties récentes.

A l’image de son vinyle, Let’s Start Here n’est pas exempt de défauts. L’album à cependant le mérite de montrer que les frontières entre les genres sont plus ouvertes que jamais et qu’un virage artistique bien exécuté peut être accepté, voire acclamé par le public.

Lil Yachty a mené sa démarche artistique jusqu’au bout pour nous proposer des sonorités rock psychédéliques et des instrus organiques que l’on n’attendait clairement pas de sa part. Il a su s’entourer d’une équipe de haut vol et livre une expérience auditive rafraîchissante.


Ce nouveau départ de Lil Yachty s’inscrit donc comme la 1ère bonne surprise de 2023. En espérant qu’elle ouvre le bal pour d’autres expériences puissantes dans le rap comme dans le rock psychédélique et que le public suive avec le même engouement dans les 2 cas.


Rédacteur : Victor

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